Bilan du comité bien-être collectif

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  1. Ce que nous faisions

Le comité bien-être collectif s’intéressait au travail de care et à l’épuisement militant. Notre but était donc de donner des outils à celles et ceux qui le pratiquaient et visibiliser ce travail, qui était politique, en plus d’organiser des événements occasionnels. Nous n’étions pas salvatrices, ne nous voulions pas sauver tou.te.s les militant.e.s, mais bien rendre visible et collectiviser le care. Il ne s’agissait pas d’un processus de victimisation, mais une prise de conscience d’un cycle vicieux d’épuisement dans lequel nos espaces de lutte sont embourbés.

  1. Observation du milieu lors de la grève

L’épuisement était extrêmement présent. Dès le début, il y avait une impression pour certaines personnes que la dernière GGI datait de la veille et une certaine lassitude se sentait. La répression politique très forte et un appui populaire restreint ont réduit l’enthousiasme. Plusieurs personnes ont démontré de la reconnaissance  à la création du comité et lors de ses activités, le besoin était réel.

Suite à la grève, nous pouvons dresser un bilan assez négatif de la santé mentale de nombreux.ses militant.e.s. Il y a eu d’importantes et de nombreuses crises existentielles avec des changements radicaux dans les parcours, une augmentation des problèmes de santé mentale ( dont des crises d’anxiété par exemple). Il y a une plusieurs hésitations pour quitter le milieu, mais ce geste aurait donné le sentiment d’abandonner et de laisser plus de travail aux personnes toujours présentes. De plus, lors de périodes de très forte mobilisation, plusieurs besoins essentiels étaient oubliés, tel le besoin de manger, de dormir, de tranquillité, de divertissements extérieurs au travail militant, etc.

Le comité peut faire son bilan, mais il n’est pas exhaustif. Le soin des autres était constant et n’était pas centralisé au comité. Plusieurs initiatives autonomes se sont organisées, notamment en faisant de l’écoute active lors des manifestations. Aussi, nous avons observé un changement dans le vocabulaire des pratiques déjà existantes, comme des soirées “care” sans alcool entre ami.e.s (pour se faire des ongles en mangeant ensemble, par exemple).

  1. Notre manière de nous organiser

Nous ne désirions pas faire de travail de terrain quotidien. Ce rapport ne nous intéressait pas et c’était une tâche très lourde. De plus, ce serait nier l’existence des réseaux déjà existants. Notre travail s’état donc principalement fait par des textes, publiés sur notre page Facebook (qui a récolté plus de 1000 likes) et par le journal de la CLAC. Cette distance a permis de dépersonnaliser le travail contrairement à la conception traditionnelle du care où le souci de l’autre passerait par un contact direct. Ainsi, nous nous sommes intéressé.e.s à cet aspect du militantisme parce que nous étions déjà dans le milieu et non à cause d’une relation individuelle avec chaque individu. Afin d’assurer la longévité de nos mouvements, c’est un devoir pour tou.te.s de s’occuper de notre bien-être, individuel et collectif.

Nos réunions étaient ouvertes et diffusées à l’aide d’événements sur Facebook, mais aussi d’affiches dans l’UQAM. Certaines réunions étaient des réunions-brunchs permettant un changement dans le rapport aux autres individus présents. Toutefois, cela eut un succès mitigé (possiblement à cause de l’heure trop matinale).

Nous avons aussi organisé deux soirées care ouvertes, la première suite à la manifestation du 15 mars contre la brutalité policière et la seconde vers la fin de la grève après les arrestations dans l’UQAM. Il y a eu un grand roulement des personnes présentes et ces activités ont permis de répondre aux besoins suivants : se nourrir, donner un lieu de rencontrer et debriefer sur la manif, être dans un lieu calme, se changer les idées (jeux, dessin), avoir des conseils juridiques et faire de nouvelles connaissances et ami.e.s. Ces soirées ont été très appréciées par les personnes présentes.

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  1. (Auto-)critique

Sans surprise, nous pouvons faire un bilan critique de notre propre travail. Nous aurions dû préparer des outils (tels des textes de réflexion) avant le début de la grève et contacter des organismes prêts à offrir des services. Étant donné la charge émotionnelle de la grève, nous avons sous-estimé la tâche.

La division sexuelle du travail militant était un problème récurrent du comité. Si les réunions étaient paritaires, le travail exécuté l’était par des femmes. Un petit nombre de femmes faisaient des tâches concrètes et nous avions un désir de ne pas nous épuiser en contrant l’épuisement militant. Ainsi, une rotation incluant des personnes de l’extérieur aurait été une bonne idée.

Nous avons aussi observé un certain nombre de travaux imposé aux femmes qui s’ impliquaient dans le comité, telle l’écoute active de confidences alors qu’elles étaient elles-mêmes épuisées. Une distance au milieu est difficilement concrétisable et cela contribue à leur éloignement du milieu, car ce n’était pas un travail qui pouvait être arrêté. Il a pu avoir une impression de devoir toujours être disponible pour écouter, d’être étiquetté pour le faire, alors qu’une diversité d’activités militantes est très saine.

Nous avons pu observer une grande incompréhension de nos objectifs et une déviation de certains concepts utilisés. Un tract explicatif, résumant nos positions, aurait été utile et aurait répondu à des questions. Politiser l’épuisement militant, encourager une prise en considération collective de la santé des gens avec qui l’on s’implique (et de la sienne) était nos objectifs et ils n’ont pas toujours été compris. Ainsi, des personnes ont aussi utilisé les concepts que nous employons afin de voter contre la grève ou devenir des scabs. Il est difficile de dicter lorsqu’un concept est bien ou mal utilisé. Par exemple, les limites ont souvent

Comme c’est une première expérience (à notre connaissance) d’un tel comité, nous pouvons cependant que nous féliciter de toutes actions qui ont été prises et ce n’est qu’une première étape pour les mobilisations à venir.